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Le prince des Boscénos exprima un avis contraire. Il pensait que, pour triompher, les causes justes ont besoin de la force autant et plus que les causes injustes.

— Dans la situation présente, dit-il avec tranquillité, trois moyens d’action s’imposent : embaucher les garçons bouchers, corrompre les ministres et enlever le président Formose.

— Enlever Formose, ce serait une faute, objecta M. de la Trumelle. Le président est avec nous.

Qu’un Dracophile proposât de mettre la main sur le président Formose et qu’un autre dracophile le traitât en ami, c’est ce qu’expliquaient l’attitude et les sentiments du chef de la chose commune. Formose se montrait favorable aux royalistes, dont il admirait et imitait les manières. Toutefois, s’il souriait quand on lui parlait de la crête du Dragon, c’était à la pensée de la mettre sur sa tête. Le pouvoir souverain lui faisait envie, non qu’il se sentît capable de l’exercer, mais il aimait à paraître. Selon la forte expression d’un chroniqueur pingouin, « c’était un dindon ».

Le prince des Boscénos maintint sa proposition de marcher à main armée sur le palais de Formose et sur la Chambre des députés.

Le comte Cléna fut plus énergique encore :

— Pour commencer, dit-il, égorgeons, étripons, décervelons les républicains et tous les chosards du gouvernement. Nous verrons après.