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Sainte-Orberose, qu’il fabriquait et dont la vente lui procurait d’immenses richesses.

Agaric fit de la main un geste de refus. Puis, planté sur ses longs pieds et serrant contre son ventre son chapeau mélancolique, il garda le silence.

— Donnez-vous donc la peine de vous asseoir, lui dit Cornemuse.

Agaric s’assit sur un escabeau boiteux et demeura muet.

Alors, le religieux des Conils :

— Donnez-moi, je vous prie, des nouvelles de vos jeunes élèves. Ces chers enfants pensent-ils bien ?

— J’en suis très satisfait, répondit le magister. Le tout est d’être nourri dans les principes. Il faut bien penser avant que de penser. Car ensuite il est trop tard… Je trouve autour de moi de grands sujets de consolation. Mais nous vivons dans une triste époque.

— Hélas ! soupira Cornemuse.

— Nous traversons de mauvais jours…

— Des heures d’épreuve.

— Toutefois, Cornemuse, l’esprit public n’est pas si complètement gâté qu’il semble.

— C’est possible.

— Le peuple est las d’un gouvernement qui le ruine et ne fait rien pour lui. Chaque jour éclatent de nouveaux scandales. La république se noie dans la honte. Elle est perdue.