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merciales et financières, une chapelle évangélique et l’imprimerie d’un grand journal que le docteur ne put lire, parce qu’il ne connaissait point la langue des Nouveaux Atlantes. Le train rencontrait, au bord des grands fleuves, des villes manufacturières qui obscurcissaient le ciel de la fumée de leurs fourneaux : villes noires le jour, villes rouges la nuit, pleines de clameurs sous le soleil et de clameurs dans l’ombre.

— Voilà, songeait le docteur, un peuple bien trop occupé d’industrie et de négoce pour faire la guerre. Je suis, dès à présent, certain que les Nouveaux Atlantes suivent une politique de paix. Car c’est un axiome admis par tous les économistes que la paix au dehors et la paix au dedans sont nécessaires au progrès du commerce et de l’industrie.

En parcourant Gigantopolis, il se confirma dans cette opinion. Les gens allaient par les voies, emportés d’un tel mouvement, qu’ils culbutaient tout ce qui se trouvait sur leur passage. Obnubile, plusieurs fois renversé, y gagna d’apprendre à se mieux comporter : après une heure de course, il renversa lui-même un Atlante.

Parvenu sur une grande place, il vit le portique d’un palais de style classique dont les colonnes corinthiennes élevaient à soixante-dix mètres au-dessus du stylobate leurs chapiteaux d’acanthe arborescente.