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origines ne sont pas limpides), successivement envahis et conquis par quatre ou cinq peuples du midi, du couchant, du levant, du septentrion ; croisés, métissés, amalgamés, brassés, les Pingouins vantent la pureté de leur race, et ils ont raison, car ils sont devenus une race pure. Ce mélange de toutes les humanités, rouge, noire, jaune, blanche, têtes rondes, têtes longues, a formé, au cours des siècles, une famille humaine suffisamment homogène et reconnaissable à certains caractères dus à la communauté de la vie et des mœurs.

» Cette idée qu’ils appartiennent à la plus belle race du monde et qu’ils en sont la plus belle famille, leur inspire un noble orgueil, un courage indomptable et la haine du genre humain.

» La vie d’un peuple n’est qu’une suite de misères, de crimes et de folies. Cela est vrai de la nation pingouine comme de toutes les nations. À cela près son histoire est admirable d’un bout à l’autre. »

Les deux siècles classiques des Pingouins sont trop connus pour que j’y insiste ; mais ce qui n’avait pas été suffisamment observé, c’est comment les théologiens rationalistes, tels que le chanoine Princeteau, donnèrent naissance aux incrédules du siècle suivant. Les premiers se servirent de leur raison pour détruire tout ce qui dans la religion ne leur paraissait point essen-