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des pratiques superstitieuses qui la déshonoraient, comme plus tard on dégagea les cathédrales des échoppes que les savetiers, regrattiers et ravaudeuses y avaient adossées. Le mot de légende, qui indiquait d’abord ce que le fidèle doit lire, impliqua bientôt l’idée de fables pieuses et de contes puérils.

Les saints et les saintes eurent à souffrir de cet état d’esprit. Un petit chanoine, notamment, très savant, très austère et très âpre, nommé Princeteau, en signala un si grand nombre comme indignes d’être chômés, qu’on le surnomma le dénicheur de saints. Il ne pensait pas que l’oraison de sainte Marguerite, appliquée en cataplasme sur le ventre des femmes en travail, calmât les douleurs de l’enfantement.

La vénérable patronne de la Pingouinie n’échappa point à sa critique sévère. Voici ce qu’il en dit dans ses Antiquités d’Alca.

« Rien de plus incertain que l’histoire et même l’existence de sainte Orberose. Un vieil annaliste anonyme, le religieux des Dombes, rapporte qu’une femme du nom d’Orberose fut possédée par le diable dans une caverne où, de son temps encore, les petits gars et les petites garces du village venaient faire, en manière de jeu, le diable et la belle Orberose. Il ajoute que cette femme devint la concubine d’un horrible dragon qui désolait la contrée. Cela n’est guère