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rence naïve pour les définitions nettes, a disposé sur chaque visage en deux circonférences si exactes, qu’elles semblent tracées au compas.

Un savant critique du XVIIIe siècle, l’abbé Lauzi, a traité les ouvrages de Margaritone avec un profond dédain. « Ce ne sont, a-t-il dit, que de grossiers barbouillages. En ces temps infortunés, on ne savait ni dessiner ni peindre. » Tel était l’avis commun de ces connaisseurs poudrés. Mais le grand Margaritone et ses contemporains devaient être bientôt vengés d’un si cruel mépris. Il naquit au XIXe siècle, dans les villages bibliques et les cottages réformés de la pieuse Angleterre, une multitude de petits Samuel et de petits Saint-Jean, frisés comme des agneaux, qui devinrent, vers 1840 et 1850, des savants à lunettes et instituèrent le culte des primitifs.

L’éminent théoricien du préraphaélisme, sir James Tuckett, ne craint pas de placer la madone de la National Gallery au rang des chefs-d’œuvre de l’art chrétien. « En donnant à la tête de la Vierge, dit sir James Tuckett, un tiers de la hauteur totale de la figure, le vieux maître a attiré et contenu l’attention du spectateur sur les parties les plus sublimes de la personne humaine et notamment sur les yeux qu’on qualifie volontiers d’organes spirituels. Dans cette peinture, le coloris conspire avec le dessin pour produire une impression idéale et mystique. Le vermillon des joues