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délices et de ravissement, qu’ils mêlaient au saint nom d’Orberose ; les uns soupiraient qu’on y oubliait le monde ; d’autres disaient qu’on sortait de la grotte dans le calme et l’apaisement ; les jeunes filles entre elles rappelaient les délices dont elles y avaient été pénétrées.

Telles furent les merveilles qu’accomplit la vierge d’Alca à l’aurore de sa glorieuse éternité : elles avaient la douceur et le vague de l’aube. Bientôt le mystère de la grotte, tel qu’un parfum subtil, se répandit dans la contrée ; ce fut pour les âmes pures un sujet d’allégresse et d’édification, et les hommes corrompus essayèrent en vain d’écarter, par le mensonge et la calomnie, les fidèles des sources de grâce qui coulaient du tombeau de la sainte. L’Église pourvut à ce que ces grâces ne demeurassent point réservées à quelques enfants, mais se répandissent sur toute la chrétienté pingouine. Des religieux s’établirent dans la grotte, bâtirent un monastère, une chapelle, une hôtellerie, sur le rivage, et les pèlerins commencèrent à affluer.

Comme fortifiée par un plus long séjour dans le ciel, la bienheureuse Orberose accomplissait maintenant des miracles plus grands en faveur de ceux qui venaient déposer leur offrande sur sa tombe ; elle faisait concevoir des espérances aux femmes jusque-là stériles, envoyait des songes aux vieillards jaloux pour les rassurer sur la