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Mais l’homme du Seigneur, armé du signe de la croix, repoussa l’ennemi. S’apercevant qu’il ne le pourrait séduire, le Diable imagina pour le perdre un habile artifice. Par une nuit d’été, il s’approcha de la reine endormie sur sa couche, lui représenta l’image du jeune religieux qu’elle voyait tous les jours dans le moustier de bois, et il mit un charme sur cette image. Aussitôt l’amour entra comme un poison subtil dans les veines de Glamorgane. Et l’envie d’en faire à son plaisir avec Oddoul la consumait. Elle trouvait sans cesse des prétextes pour l’attirer près d’elle. Plusieurs fois elle lui demanda d’instruire ses enfants dans la lecture et le chant.

— Je vous les confie, lui dit-elle. Et je suivrai les leçons que vous leur donnerez, afin de m’instruire moi-même. Avec les fils vous enseignerez la mère.

Mais le jeune religieux s’excusait, tantôt sur ce qu’il n’était pas un maître assez savant, tantôt sur ce que son état lui interdisait le commerce des femmes. Ce refus irrita les désirs de Glamorgane. Un jour qu’elle languissait sur sa couche, son mal étant devenu intolérable, elle fit appeler Oddoul dans sa chambre. Il vint par obéissance, mais demeura les yeux baissés sur le seuil de la porte. De ce qu’il ne la regardait point elle ressentait de l’impatience et de la douleur.

— Vois, lui dit-elle, je n’ai plus de force, une