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mères des enfants ressuscités couraient embrasser leurs chers petits. Mais le saint homme Maël les retint, leur représentant qu’ils n’étaient pas assez saints, les uns et les autres, pour s’approcher du dragon sans mourir.

Et bientôt le petit Elo et les cinq autres enfants vinrent vers le peuple et dirent :

— Nous sommes les pauvres petits enfants que le dragon a dévorés et nous sommes sortis en chemise de son ventre.

Et tous ceux qui les entendaient disaient en les baisant :

— Enfants bénis, nous vous donnerons en abondance tout ce que vous pourrez souhaiter.

Et la foule du peuple se sépara, pleine d’allégresse, en chantant des hymnes et des cantiques.

Pour commémorer ce jour où la Providence délivra le peuple d’un cruel fléau, des processions furent instituées dans lesquelles on promenait le simulacre d’un dragon enchaîné.

Kraken leva le tribut et devint le plus riche et le plus puissant des Pingouins. En signe de sa victoire, afin d’inspirer une terreur salutaire, il portait sur sa tête une crête de dragon et il avait coutume de dire au peuple :

— Maintenant que le monstre est mort, c’est moi le dragon.

Orberose noua longtemps ses généreux bras au cou des bouviers et des pâtres qu’elle égalait aux