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Et la belle Oberose avertit son époux que des moines allaient par les villes et les campagnes, enseignant aux habitants la manière la plus convenable de combattre le dragon ; que, selon leurs instructions, la bête serait surmontée par une vierge et que, si une pucelle passait sa ceinture autour du col du dragon, elle le conduirait aussi facilement que si c’était un petit chien.

— Comment sais-tu que les moines enseignent ces choses ? demanda Kraken.

— Mon ami, répondit Orberose, n’interrompez donc pas des propos graves par une question frivole… « Si donc, ajoutèrent ces religieux, il se trouve dans Alca une vierge très pure, qu’elle se lève ! » Or, j’ai résolu, Kraken, de répondre à leur appel. J’irai trouver le saint vieillard Maël et lui dirai : « Je suis la vierge désignée par le Ciel pour surmonter le dragon. »

À ces mots Kraken se récria :

— Comment seras-tu cette vierge très pure ? Et pourquoi veux-tu me combattre, Orberose ? As-tu perdu la raison ? Sache bien que je ne me laisserai pas vaincre par toi !

— Avant de se mettre en colère, ne pourrait-on pas essayer de comprendre ? soupira la belle Orberose avec un mépris profond et doux.

Et elle exposa ses desseins subtils.

En l’écoutant, le héros demeurait pensif. Et quand elle eut cessé de parler :