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Marthe nous en fournit une preuve plus certaine encore. Connaissez-vous cette histoire, mon fils Samuel ?

— Oui, mon père, répondit Samuel.

Et le bienheureux Maël poursuivit :

— Il y avait, dans une forêt, sur les bords du Rhône, entre Arles et Avignon, un dragon mi-quadrupède et mi-poisson, plus gros qu’un bœuf, avec des dents aiguës comme des cornes et de grandes ailes aux épaules. Il coulait les bateaux et dévorait les passagers. Or, sainte Marthe, à la prière du peuple, alla vers ce dragon, qu’elle trouva occupé à dévorer un homme ; elle lui passa sa ceinture autour du cou et le conduisit facilement à la ville.

» Ces deux exemples m’induisent à penser qu’il convient de recourir au pouvoir de quelque vierge pour vaincre le dragon qui sème l’épouvante et la mort dans l’île d’Alca.

» C’est pourquoi, mon fils Samuel, ceins tes reins et va, je te prie, avec deux de tes compagnons, dans tous les villages de cette île, et publie partout qu’une vierge pourra seule délivrer l’île du monstre qui la dépeuple.

» Tu chanteras des cantiques et des psaumes, et tu diras :

» — Ô fils des pingouins, s’il est parmi vous une vierge très pure, qu’elle se lève et que, armée du signe de la croix, elle aille combattre le dragon !