Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» En proie à ce fléau redoutable, nous venons, ô Maël, te prier, comme le plus sage, d’aviser au salut des habitants de cette île, de peur que la race antique des Pingouins ne s’éteigne.

— Ô le premier des Anciens d’Alca, répliqua Maël, ton discours me plonge dans une profonde affliction, et je gémis à la pensée que cette île est en proie aux fureurs d’un dragon épouvantable. Un tel fait n’est pas unique, et l’on trouve dans les livres plusieurs histoires de dragons très féroces. Ces monstres se rencontrent principalement dans les cavernes, aux bords des eaux et de préférence chez les peuples païens. Il se pourrait que plusieurs d’entre vous, bien qu’ayant reçu le saint baptême, et tout incorporés qu’ils sont à la famille d’Abraham, aient adoré des idoles, comme les anciens Romains, ou suspendu des images, des tablettes votives, des bandelettes de laine et des guirlandes de fleurs aux branches de quelque arbre sacré. Ou bien encore les Pingouines ont dansé autour d’une pierre magique et bu l’eau des fontaines habitées par les nymphes. S’il en était ainsi, je croirais que le Seigneur a envoyé ce dragon pour punir sur tous les crimes de quelques-uns et afin de vous induire, ô fils des Pingouins, à exterminer du milieu de vous le blasphème, la superstition et l’impiété. C’est pourquoi je vous indiquerai comme remède au grand mal dont vous souffrez de rechercher soigneusement