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où il se livrait à l’étude de l’astronomie et à la méditation des Écritures, descendit vers eux, appuyé sur son bâton pastoral. À sa venue les Anciens prosternés tendirent des rameaux verts. Et plusieurs d’entre eux brûlèrent des herbes aromatiques.

Et le saint homme, s’étant assis près de la fontaine claustrale, sous un figuier antique, prononça ces paroles :

— Ô mes fils, postérité des Pingouins, pourquoi pleurez-vous et gémissez-vous ? Pourquoi tendez-vous vers moi ces rameaux suppliants ? Pourquoi faites-vous monter vers le ciel la fumée des aromates ? Attendez-vous que je détourne de vos têtes quelque calamité ? Pourquoi m’implorez-vous ? Je suis prêt à donner ma vie pour vous. Dites seulement ce que vous espérez de votre père.

À ces questions le premier des Anciens répondit :

— Père des enfants d’Alca, ô Maël, je parlerai pour tous. Un dragon très horrible ravage nos champs, dépeuple nos étables et ravit dans son antre la fleur de notre jeunesse. Il a dévoré l’enfant Elo et sept jeunes garçons ; il a broyé entre ses dents affamées la vierge Orberose, la plus belle des Pingouines. Il n’est point de village où il ne souffle son haleine empoisonnée et qu’il ne remplisse de désolation.