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l’étui de nacre

des églogues et des élégies d’un style un peu dur, mais d’un tour ingénieux et dans lesquelles il introduisait les vers des anciens chaque fois qu’il en trouvait le moyen. Ayant visité avec la foule la sépulture des époux chrétiens, le bonhomme admira le rosier qui fleurissait les deux tombes. Et, comme il était pieux à sa manière, il y reconnut un signe céleste. Mais il attribua le prodige à ses dieux et il ne douta pas que le rosier n’eût fleuri par la volonté d’Éros.

« La triste Scolastica, se dit-il, maintenant qu’elle n’est plus qu’une ombre vaine, regrette le temps d’aimer et les plaisirs perdus. Les roses qui sortent d’elle et qui parlent pour elle, nous disent : Aimez, vous qui vivez. Ce prodige nous enseigne à goûter les joies de la vie, tandis qu’il en est temps encore. »

Ainsi songeait ce simple païen. Il composa sur ce sujet une élégie que j’ai retrouvée par le plus grand des hasards dans la bibliothèque publique de Tarascon, sur la garde d’une bible du XIe siècle, cotée : fonds Michel Chasles, F n, 7439, 179 bis. Le précieux feuillet, qui avait échappé jusqu’ici à l’attention des savants,