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l’étui de nacre

Et, comme elle se taisait, il ajouta :

— Je te supplie, par Jésus-Christ, fils de Dieu, de m’exposer clairement le sujet de tes plaintes.

Alors elle se retourna vers lui :

— Quand je pleurerais tous les jours de ma vie, dit-elle, je n’aurais pas assez de larmes pour répandre la douleur immense qui remplit mon cœur. J’avais résolu de garder toute pure cette faible chair et d’offrir ma virginité à Jésus-Christ. Malheur à moi, qu’il a tellement abandonnée que je ne puis accomplir ce que je désirais ! Ô jour que je n’aurais jamais dû voir ! Voici que, divorcée d’avec l’époux céleste qui me promettait le paradis pour dot, je suis devenue l’épouse d’un homme mortel, et que cette tête qui devait être couronnée de roses immortelles est ornée ou plutôt flétrie de ces roses déjà effeuillées ; hélas ! ce corps qui, sur le quadruple fleuve de l’agneau, devait revêtir l’étole de pureté, porte comme un vil fardeau le voile nuptial. Pourquoi le premier jour de ma vie n’en fut-il pas le dernier ? Oh ! heureuse si j’avais pu franchir la porte de la mort avant de boire une goutte de lait ! et si les baisers de