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l’étui de nacre

Mais le comte Longin lui répondit :

— Clarissime Euphrosine, l’amour est plus fort que la volonté ; c’est pourquoi il convient de lui obéir comme à un maître jaloux. Je ferai à votre égard ce qu’il m’ordonne, qui est de vous prendre pour ma femme.

— Convient-il à un homme, même illustre, de prendre la fiancée du Seigneur ?

— C’est ce que j’apprendrai des évêques, non de vous.

Ces propos jetèrent la jeune fille dans les plus vives alarmes ; elle comprit qu’elle n’avait aucune pitié à attendre de cet homme violent, gouverné par les sens, et que les évêques ne pourraient reconnaître les vœux secrets qu’elle avait faits devant Dieu seul. Et, dans l’excès de son inquiétude, elle eut recours à un artifice si singulier qu’on doit le tenir plus admirable qu’exemplaire.

Sa résolution étant prise, elle feignit de céder à la volonté de son père et aux assiduités de son amant. Elle souffrit même qu’on prît jour pour la cérémonie des fiançailles. Le comte Longin faisait déjà placer dans les coffres les joyaux et les parures destinés à l’é-