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l’étui de nacre

Liberette, dédaignant tout secours humain, refusa de l’imiter. Elle s’approcha du torrent la première, les mains armées seulement du signe de la croix. Et le saule s’inclina comme de coutume. Puis il se redressa, et quand Oliverie voulut passer à son tour il resta droit. Et le courant brisa l’échalas comme un fétu de paille et l’emporta. Et Oliverie demeura sur le bord. Comme elle était sage, elle comprit qu’elle était justement punie pour avoir douté de la puissance céleste et pour n’être pas allée à la grâce de Dieu, comme avait fait sa sœur Liberette. Elle ne songea plus qu’à mériter son pardon par les travaux de la pénitence et de l’ascétisme. Résolue à mener, à l’exemple de saint Bertauld, la vie érémitique, qui est belle et singulière, elle resta en-deçà du torrent, dans la forêt, et se bâtit une cabane de branchages en un lieu où jaillit une source, qu’on a nommée depuis « la Source de Sainte-Olive ».