Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
amycus et célestin

ailes ouvertes et la tunique envolée, se balançaient aux rameaux. À cette vue, l’ermite Célestin fronça ses sourcils blancs :

— C’est l’arbre des fées, se dit-il, et les filles du pays l’ont chargé d’offrandes, selon l’antique coutume. Ma vie se passe à lutter contre les fées, et l’on ne s’imagine pas le tracas que ces petites personnes me donnent. Elles ne me résistent pas ouvertement. Chaque année, à la moisson, j’exorcise l’arbre, selon les rites, et je leur chante l’Évangile de saint Jean.

» On ne saurait mieux faire ; l’eau bénite et l’Évangile de saint Jean les mettent en fuite, et l’on n’entend plus parler de ces dames de tout l’hiver ; mais elles reviennent au printemps et c’est à recommencer tous les ans.

» Elles sont subtiles ; il suffit d’un buisson d’aubépine pour en abriter tout un essaim. Et elles répandent des charmes sur les jeunes garçons et sur les jeunes filles.

» Depuis que je suis vieux, ma vue a baissé et je ne les aperçois plus guère. Elles se moquent de moi, me passent sous le nez et rient à ma barbe. Mais, quand j’avais vingt