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le procurateur de judée

où l’on sèmera le sel sur la place où fut le Temple. Et ce jour-là je serai enfin justifié.

Lamia s’efforça de ramener l’entretien sur un ton plus doux.

— Pontius, dit-il, je m’explique sans peine et tes vieux ressentiments et tes pressentiments sinistres. Certes, ce que tu as connu du caractère des Juifs n’est pas à leur avantage. Mais moi, qui vivais à Jérusalem, en curieux, et qui me mêlais au peuple, j’ai pu découvrir chez ces hommes des vertus obscures, qui te furent cachées. J’ai connu des Juifs pleins de douceur, dont les mœurs simples et le cœur fidèle me rappelaient ce que nos poètes ont dit du vieillard d’Ébalie. Et toi-même, Pontius, tu as vu expirer sous le bâton de tes légionnaires des hommes simples qui, sans dire leur nom, mouraient pour une cause qu’ils croyaient juste. De tels hommes ne méritent point nos mépris. Je parle ainsi, parce qu’il convient de garder en toutes choses la mesure et l’équité. Mais j’avoue n’avoir jamais éprouvé pour les Juifs une vive sympathie. Les Juives, au contraire, me plaisaient beaucoup. J’étais jeune alors, et les Syriennes me jetaient dans un