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l’étui de nacre

un blâme sévère. Que de fois, il me prit envie d’envoyer ensemble, comme disent les Grecs, aux corbeaux les accusés et les juges !

» Ne crois pas, Lamia, que je nourrisse des rancunes impuissantes et des colères séniles contre ce peuple qui a vaincu en moi Rome et la paix. Mais je prévois l’extrémité où ils nous réduiront tôt ou tard. Ne pouvant les gouverner, il faudra les détruire. N’en doute point : toujours insoumis, couvant la révolte dans leur âme échauffée, ils feront éclater un jour contre nous une fureur auprès de laquelle la colère des Numides et les menaces des Parthes ne sont que des caprices d’enfant. Ils nourrissent dans l’ombre des espérances insensées et méditent follement notre ruine. En peut-il être autrement, tant qu’ils attendent, sur la foi d’un oracle, le prince de leur sang qui doit régner sur le monde ? On ne viendra pas à bout de ce peuple. Il faut qu’il ne soit plus. Il faut détruire Jérusalem de fond en comble. Peut-être, tout vieux que je suis, me sera-t-il donné de voir le jour où tomberont ses murailles, où la flamme dévorera ses maisons, où ses habitants seront passés au fil de l’épée,