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l’étui de nacre

Les lettres sont bien en ordre, car Julie met dans tout ce qui l’entoure l’exactitude de son esprit.

Celles-ci, déjà jaunies, datent de trois ans, et Julie revit dans le silence de la nuit les heures enchantées. Elle ne livre une page aux flammes qu’après en avoir épelé dix fois les syllabes adorées.

Le calme est profond autour d’elle. D’heure en heure, elle va à la fenêtre, soulève le rideau, voit dans l’ombre silencieuse le clocher de Saint-Germain-des-Prés argenté par la lune, puis reprend son œuvre de lente et pieuse destruction. Et comment ne pas boire une dernière fois ces pages délicieuses ? Comment livrer aux flammes ces lignes si chères avant de les avoir à jamais imprimées dans son cœur ? Le calme est profond autour d’elle, son âme palpite de jeunesse et d’amour.

Elle lit :


« Absent, je vous vois, Julie. Je marche environné des images que ma pensée fait naître. Je vous vois, non point immobile et