Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
l’étui de nacre

femmes dont la gaieté l’étonna. Comme madame d’Auriac, elles étaient coiffées avec étude et portaient de fraîches toilettes. Près de mourir, elles gardaient l’envie de plaire. Leur conversation était galante comme leur personne, et Fanny fut bientôt instruite des intrigues qui se nouaient et se dénouaient sous les verrous, dans ces préaux sombres où la mort aiguillonnait l’amour. Alors, prise d’un indicible trouble, elle se sentit un grand désir de presser une main dans la sienne.

Il lui souvint de celui qui l’aimait et à qui elle ne s’était pas donnée, et un regret aussi cruel qu’un remords déchira son cœur. Des larmes ardentes comme la volupté roulèrent sur ses joues. À la lueur du lampion fumeux qui éclairait le repas, elle observait ses compagnes dont les yeux brillaient de fièvre, et elle songeait :

— Nous allons mourir ensemble. D’où vient que je suis triste et que mon âme est troublée, quand, pour ces femmes, la vie et la mort sont également légères ?

Et elle pleura toute la nuit sur son grabat.