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anecdote de floréal, an ii

été parfait pour moi… Je pense qu’en ce moment il est en prison quelque part.

— Et que fais-tu là, Antoinette ?

— Chut !… Quelle heure est-il ? S’il est cinq heures, l’ami dont j’unis sur cette écorce le nom au mien n’est plus de ce monde, car il a passé à midi au tribunal révolutionnaire. Il se nommait Gesrin et était volontaire à l’armée du Nord. Je l’ai connu dans cette prison. Nous avons passé ensemble de douces heures, au pied de cet arbre. C’était un jeune homme de mérite… Mais il faut que je m’occupe de t’installer ici, ma belle.

Et, saisissant Fanny par la taille, elle l’entraîna dans la chambre où elle avait un lit, et elle obtint du porte-clefs qu’il ne séparât pas les deux amies.

Elles convinrent de laver, ensemble, dès le lendemain matin, le carreau de leur chambre.

Le repas du soir, servi maigrement par un gargotier patriote, se prenait en commun. Chaque prisonnier apportait son assiette et son couvert de bois (il était interdit d’en avoir en métal), et recevait sa portion de porc aux choux. Fanny vit à cette table grossière des