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l’étui de nacre

Le porte-clefs a l’air plus bourru que méchant, et sa fille, qui est jolie, porte à ravir le bonnet blanc avec la cocarde et les nœuds aux couleurs de la nation. Cet homme conduit Fanny dans une grande cour, au milieu de laquelle est un bel acacia. Elle attendra là qu’il lui ait préparé un lit et une table dans une chambre où l’on a déjà renfermé cinq ou six prisonnières, car la maison est encombrée. En vain elle verse chaque jour son trop-plein au tribunal révolutionnaire et à la guillotine. Chaque jour les comités l’emplissent de nouveau.

Dans la cour, Fanny voit une jeune femme occupée à graver un chiffre sur l’écorce de l’arbre, et reconnaît Antoinette d’Auriac, son amie d’enfance.

— Vous ici, Antoinette ?

— Vous ici, Fanny ? Faites mettre votre lit près du mien. Nous aurons bien des choses à nous dire.

— Bien des choses… Et M. d’Auriac, Antoinette ?

— Mon mari ? Ma foi, ma chérie, je l’avais un peu oublié. C’était injuste. Il a toujours