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madame de luzy

et de voix rauques éclata dans l’escalier. Ce fut, pour tous trois, une minute terrible ; mais le bruit monta peu à peu au-dessus de nos têtes. Nous comprîmes que la garde, conduite par la cuisinière jacobine, fouillait d’abord les greniers. Le plafond craquait ; on entendait des menaces, des gros rires, des coups de pied et des coups de baïonnette dans les cloisons. Nous respirions, mais il n’y avait pas une seconde à perdre. J’aidai Planchonnet à se couler dans l’espace ménagé entre les matelas.

En nous regardant faire, madame de Luzy secouait la tête. Le lit, ainsi bouleversé, avait un air suspect.

Elle essaya de le refaire exactement ; mais elle ne put y parvenir.

— Il faut que je m’y mette, dit-elle.

Elle regarda à la pendule ; il était sept heures du soir. Elle songea qu’on ne trouverait pas naturel qu’elle fût couchée si tôt. Quant à se dire malade, il n’y fallait pas songer : la cuisinière jacobine découvrirait la ruse.

Elle demeura ainsi pensive quelques secondes ; puis, tranquillement, simplement, avec une au-