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l’aube

la Révolution qui est l’avènement de Dieu sur la terre.

Elle se leva. La nuit était venue, et l’on voyait au loin la grande ville s’étoiler de feux.

Marcel offrit son bras à Sophie, et, tandis que les vieillards raisonnaient ensemble, ils se promenèrent tous deux sous les sombres allées. Il les trouvait charmantes ; elle lui en contait le nom et l’histoire.

— Nous sommes, disait-elle, dans l’allée de Jean-Jacques, qui conduit au salon d’Émile. Cette allée était droite, je l’ai recourbée pour qu’elle passât sous le vieux chêne. Il donne, tout le jour, de l’ombre à ce banc rustique que j’ai appelé « le Repos des amis ».

— Asseyons-nous un moment sur ce banc, dit Sophie.

Ils s’assirent. Marcel entendait dans le silence les battements de son cœur.

— Sophie, je vous aime, murmura-t-il en lui prenant la main.

Elle la retira doucement et, montrant au jeune homme les feuilles qu’une brise légère faisait frissonner :

— Entendez-vous ?