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l’étui de nacre

sur la berge des pêcheurs à la ligne, assis, les pieds dans l’eau ; et il suit en rêvant le cours de la rivière. Parvenu aux premières rampes des collines de Chaillot, il rencontre une patrouille qui surveille les communications entre Paris et Versailles. Cette troupe, armée de fusils, de mousquets, de hallebardes, est composée d’artisans portant le tablier de serge ou de cuir, d’hommes de loi de noir vêtus, d’un prêtre et d’un géant barbu, en chemise, nu-jambes. Ils arrêtent quiconque veut passer : on a surpris des intelligences entre le gouverneur de la Bastille et la cour ; on craint une surprise.

Le promeneur est jeune et son air ingénu. Il dit à peine quelques mots et la troupe le laisse passer en souriant.

Il monte une ruelle en pente, parfumée de sureaux en fleur, et s’arrête à mi-côte devant la grille d’un jardin.

Ce jardin est petit, mais des allées sinueuses, des plis de terrain en allongent la promenade. Des saules trempent le bout de leurs branches dans un bassin où nagent des canards. À l’angle de la rue, sur un tertre,