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le procurateur de judée

ser les eaux de la mer dans les lacs Averne et Lucrin.

— Moi aussi, dit Pontius en soupirant, j’ai voulu entreprendre de grands travaux d’utilité publique. Quand je reçus, pour mon malheur, le gouvernement de la Judée, je traçai le plan d’un aqueduc de deux cents stades qui devait porter à Jérusalem des eaux abondantes et pures. Hauteur des niveaux, capacité des modules, obliquité des calices d’airain auxquels s’adaptent les tuyaux de distribution, j’avais tout étudié, et, sur l’avis des machinistes, tout résolu moi-même. Je préparais un règlement pour la police des eaux, afin qu’aucun particulier ne pût faire des prises illicites. Les architectes et les ouvriers étaient commandés. J’ordonnai qu’on commençât les travaux. Mais, loin de voir s’élever avec satisfaction cette voie qui, sur des arches puissantes, devait porter la santé avec l’eau dans leur ville, les Hiérosolymites poussèrent des hurlements lamentables. Assemblés en tumulte, criant au sacrilège et à l’impiété, ils se ruaient sur les ouvriers et dispersaient les pierres des fondations. Conçois-tu, Lamia, des barbares plus