Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
l’étui de nacre

avait ôté aux modérés leurs dernières espérances.

Dénoncé plusieurs fois comme conspirateur à cause de la correspondance que j’entretenais avec M. de Puybonne, j’étais sans cesse menacé de perdre la liberté et la vie.

N’ayant plus de carte de civisme et n’osant en demander de peur d’être mis aussitôt en état d’arrestation, l’existence n’était plus supportable pour moi.

On faisait alors la réquisition de douze cent mille hommes, depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à vingt-cinq. Je me fis inscrire. Le 7 brumaire an II, à six heures du matin, je pris la route de Nancy pour rejoindre mon régiment. Le bonnet de police sur la tête, sac au dos, vêtu d’une carmagnole, je me trouvais un air assez martial.

De temps en temps je me retournais vers la grand’ville où j’avais tant souffert et tant aimé. Puis je reprenais mon chemin en essuyant une larme. Je m’avisai de chanter pour me donner du cœur et j’entonnai l’hymne des Marseillais :

Allons, enfants de la Patrie !