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mémoires d’un volontaire

à la reconnaissance d’Amélie. Je veux que ma fille vienne elle-même vous témoigner toute sa gratitude. Elle vous doit un oncle. C’est moins qu’une mère, il est vrai, mais quelles louanges ne mérite pas votre courage…

Elle alla chercher Amélie.

Resté seul dans le salon, j’attendis. Je me demandai si j’aurais la force de la revoir. Je craignais, j’espérais, je souffrais mille morts.

Au bout de cinq minutes madame Berthemet reparut seule.

— Excusez une ingrate, me dit-elle. Ma fille refuse de venir. « Je ne saurais souffrir sa présence, m’a-t-elle dit. Sa vue me serait cruelle : désormais, il m’est odieux. En montrant plus de courage que l’homme que j’aime, il s’est acquis un cruel avantage. Je ne le reverrai de ma vie : il est généreux, il me pardonnera. »

Après m’avoir rapporté ces paroles, madame Berthemet conclut par ces mots

— Oubliez une ingrate.

Je promis de m’y efforcer et je tins parole. Les événements m’y aidèrent. La terreur régnait. L’affreuse journée du 31 mai