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mémoires d’un volontaire

tiques. Il faut que tous les ennemis du peuple crachent dans le panier, depuis le gros Capet jusqu’au mince Larisse. Et ça ira !

M. Larisse, plus pâle que la lune et plus tremblant que la feuille, rasait avec d’infinies précautions le menton du patriote injurieux. Je constatai que jamais perruquier n’avait éprouvé plus d’effroi. Et j’en augurai bien pour le succès du dessein que j’avais soudainement formé. Mon intention en effet était de prier M. Larisse de venir témoigner avec moi au comité.

— Il est si poltron, me disais-je, qu’il n’osera pas me refuser.

Le marchand de vin se retira en grommelant de nouvelles menaces et me laissa seul avec le perruquier qui, tout frémissant encore, me passa une serviette au cou.

— Ah ! monsieur, me dit-il à l’oreille d’une voix plus faible qu’un soupir, l’enfer est déchaîné sur nous ! N’ai-je donc étudié l’art de la coiffure que pour accommoder des démons ? Les têtes qui me faisaient honneur sont maintenant à Londres ou à Coblentz. Comment se porte monseigneur le duc de Puybonne ? C’était un bon maître.