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mémoires d’un volontaire

Un matin, on vint frapper à ma porte. Je devinai une main douce et amie ; j’ouvris, madame Berthemet se jeta dans mes bras :

— Sauvez-moi, sauvez-nous, me dit-elle. Mon frère Eustance, mon frère unique, porté sur une liste d’émigrés, est venu chercher un asile chez moi. Il a été dénoncé, arrêté. Il est en prison depuis cinq jours. Heureusement, l’accusation qui pèse sur lui est vague et mal fondée. Mon frère n’a jamais émigré. Il suffit, pour qu’il soit relâché, qu’on vienne témoigner de sa résidence. J’ai demandé ce service au chevalier de Saint-Ange. Il me l’a refusé prudemment. Eh bien ! mon ami, mon fils, ce service, périlleux pour lui, et plus périlleux encore pour vous, je viens vous le demander.

Je la remerciai de cette demande comme d’une faveur. C’en était une, en effet, et la plus précieuse dont un honnête homme pût être honoré.

— Je savais bien que vous ne refuseriez pas, vous ! s’écria madame Berthemet en m’embrassant. Mais ce n’est pas tout, ajouta-t-elle. Il faut que vous trouviez un second témoin, il est nécessaire qu’il s’en présente deux pour