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mémoires d’un volontaire

un nœud de ruban, le remit à Sophie en chantant :

Hâtez-vous donc de l’arborer,
Cette belle cocarde,
Dont j’aime tant à me parer
Quand je monte ma garde.
Vous devez préférer à l’or
Les fleurs à peines écloses ;
Ce joli ruban tricolor
À tout l’éclat des roses.

Sophie piqua le ruban à son bonnet en promenant sur l’assistance un regard stupide et triomphant. On applaudit. M. Mille salua. Il contemplait la foule sans y distinguer ni moi ni personne ; ou plutôt, dans cette foule, il ne voyait que lui-même.

— Ah ! monsieur, s’écria mon voisin, qui dans son enthousiasme m’embrassait tendrement ; ah ! si les Prussiens, si les Autrichiens voyaient cela ! Ils trembleraient, monsieur ! Ils ont eu des intelligences à Longwy et à Verdun. Mais Paris, s’ils y venaient, serait leur tombeau. L’esprit du peuple est tout à fait martial. Je viens du jardin des Tuileries, monsieur. J’ai entendu des chanteurs,