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mémoires d’un volontaire

bois avaient-elles tous les jours un air de fête.

Depuis la déclaration de la guerre et les progrès des armées coalisées, les Parisiens venaient ainsi chercher des nouvelles aux Tuileries et au Palais-Royal. La foule était grande quand le temps était beau, et l’inquiétude même apportait avec elle un certain divertissement.

Beaucoup de femmes, vêtues à la grecque, avec simplicité, portaient à la taille ou dans les cheveux les couleurs de la Nation. Je me sentais plus seul encore dans cette foule ; tout ce bruit, tout ce mouvement qui m’environnait ne servait, pour ainsi dire, qu’à repousser et à renfermer mes pensées en moi.

— Hélas ! me disais-je, ai-je assez parlé ? Ai-je laissé voir tous mes sentiments ? Ou plutôt n’en ai-je que trop dit ? Consentira-t-elle à me revoir encore, maintenant qu’elle sait que je l’aime ? Mais le sait-elle ? et le veut-elle savoir ?

Ainsi je gémissais sur l’incertitude de mon sort quand mon attention fut brusquement attirée par une voix connue. Je levai la tête et