Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
l’étui de nacre

voix et leurs charmes aux inspirations de Mozart et de Gluck. Bien plus ! il m’a mené dans le jardin du Luxembourg, où j’ai vu sous d’antiques ombrages Raynal se promenant avec Dussaulx. Ô mon vénéré régent, ô mon maître, ô mon père, ô monsieur Féval ! Que n’êtes-vous témoin de la joie et de l’émotion de votre élève, de votre fils !

Je menai pendant six semaines la vie la plus douce. On annonçait autour de moi le retour de l’âge d’or et je voyais déjà s’avancer le char de Saturne et de Rhée. Le matin, je copiais des lettres sous la direction de M. Mille. C’est un bon compagnon que M. Mille, toujours souriant, toujours fleuri et léger comme un zéphyr.

Après dîner, je lisais quelques pages de l’Encyclopédie à notre bon seigneur, et j’étais libre jusqu’au lendemain matin. Un soir, j’allais souper aux Porcherons avec M. Mille. Des femmes, portant à leur bonnet les couleurs de la Nation, se tenaient à la porte des guinguettes avec des fleurs dans un panier. L’une d’elles s’étant approchée de moi, me prit par le bras, et me dit :