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mémoires d’un volontaire

achetons des vaches suisses pour les donner à nos vassaux.

» Je ne parle point de la correspondance sur les affaires publiques. Celle-là est tenue secrète. Mais vous n’ignorez point que les efforts du duc de Puybonne tendent à faire appliquer en France la constitution de l’Angleterre. Permettez-moi de vous quitter, monsieur Aubier. Je vais à la Comédie. On joue Alzire.

Cette nuit-là je dormis dans des draps fins et je ne dormis pas bien. Je rêvais que les abeilles de ma mère volaient sur les ruines de la Bastille, autour du duc de Puybonne qui souriait avec bonté, dans une lumière élyséenne. Le lendemain, j’allai rejoindre de grand matin M. Mille, à qui je demandai s’il s’était bien diverti à la Comédie. Il me répondit qu’il se flattait d’avoir surpris, pendant la représentation d’Alzire, quelques-uns des secrets par lesquels M. de Voltaire excitait la sensibilité des spectateurs. Puis il me fit copier des lettres relatives à l’achat de ces vaches suisses dont le bon seigneur faisait présent à ses vassaux. Tandis que je m’appliquais à cette tâche :

— Le duc est sensible, me dit-il. J’ai cé-