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mémoires d’un volontaire

Ces paroles fâchèrent le marchand de vin.

— Apprenez, monsieur le merlan, répondit-il, qu’un peuple régénéré dédaigne les vaines parures. Je vous corrigerais de votre impertinence si j’en avais le temps ; mais je vais vendre du vin à M. Bailly, maire de Paris, qui m’honore de son amitié.

Ils se quittèrent ainsi, et moi, j’allai à pied, avec mes livres latins, mon lard et le souvenir des baisers de ma mère, chez M. le duc de Puybonne à qui j’étais recommandé. Son hôtel est situé à l’extrémité de la ville, dans la rue de Grenelle. Les passants me l’indiquèrent à l’envi, car le duc est célèbre pour sa bienfaisance.

Il me reçut avec bonté. Rien dans ses habits ni dans ses façons ne sort de la simplicité. Il a cet air joyeux qu’on ne voit qu’aux hommes qui travaillent beaucoup sans y être forcés.

Il lut la lettre du Père Féval et me dit :

— Cette recommandation est bonne, mais que savez-vous ?

Je lui répondis que je savais le latin, un peu de grec, l’histoire ancienne, la rhétorique et la poétique.