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l’étui de nacre

À ce moment, mademoiselle Rose entra dans la salle, elle rougit en me voyant et feignit une grande surprise. Je vis que je lui inspirais de l’intérêt, et j’en fus secrètement flatté. Mais j’affectai devant elle le maintien grave et réservé d’un ecclésiastique. Je passai la plus grande partie des vacances à me promener avec M. Lamadou.

Il avait été convenu entre nous que nous ne parlerions que latin. Et nous allions par les routes, au milieu des humbles travaux des champs, dans l’ardente nature, côte à côte, droit devant nous, graves, sérieux, purs, dédaigneux des plaisirs vulgaires et très vains de notre science.

Je retournai au collège avec la ferme résolution d’entrer dans les ordres. Je me voyais déjà comme M. Lamadou, coiffé d’un grand chapeau à trois cornes, portant la soutane avec une culotte noire, des bas de laine, et des souliers à boucle, méditant tour à tour l’éloquence de Cicéron et la doctrine de saint Augustin, et traversant la foule en rendant gravement des saluts aux dames et aux pauvres inclinés devant moi. Hélas ! un fantôme de