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mémoires d’un volontaire

Un seul d’entre eux, le fils étique d’un procureur, ayant continué d’imiter insolemment mon maintien lourd et gauche, je le châtiai d’une main si pesante, qu’il ne fut plus tenté d’y revenir. Je ne plaisais guère à M. Joursanvault ; mais, accomplissant mes devoirs avec régularité, je ne lui fournissais pas l’occasion de me punir. Comme il faisait étalage d’une autorité violente, incertaine et tracassière, il invitait à la révolte, et il y eut en effet, dans sa classe, plusieurs mutineries auxquelles je ne pris point de part. Un jour, me promenant dans le jardin avec le régent, qui me témoignait beaucoup de bonté, il me vint malheureusement en tête de me vanter de ma sagesse.

— Mon père, lui dis-je, je n’étais pas de la dernière révolte.

— Il n’y a pas de quoi vous en vanter, me répondit le Père Féval, avec un accent de mépris qui me déchira le cœur.

Il haïssait la bassesse plus que tout au monde. Je me promis bien, en l’entendant, de ne jamais plus rien dire ni faire de vil, et, si depuis j’ai su me garder du mensonge et