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l’étui de nacre

Ingénieux et sauvage, il interrogeait la nature. Son maître d’école désespérait de jamais rien faire d’un enfant si distrait, et, de fait, Éloi ne savait pas encore ses lettres à huit ans. Mais, à cet âge, il apprit à lire et à écrire avec une rapidité surprenante, et il devint en six mois le meilleur écolier du village.

» Il en était aussi l’enfant le plus affectueux et le mieux aimant. Je lui donnai quelques leçons de mathématiques et je fus étonné de la fécondité que cet esprit annonçait dès l’enfance. Enfin, je l’avouerai sans craindre qu’on me raille, car on pardonnera quelque exagération à un vieillard rustique : je me plaisais à surprendre en ce petit paysan les prémices d’une de ces âmes lumineuses, qui apparaissent à de longs intervalles dans notre sombre humanité et qui, sollicitées par le besoin d’aimer autant que par le zèle de connaître, accomplissent, partout où le destin les place, une œuvre utile et belle.

» Ces songeries et d’autres de même nature me conduisirent jusqu’aux Alies. En entrant dans la salle basse, je trouvai le petit Éloi couché dans le grand lit de cotonnade, où ses