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le manuscrit d’un médecin de village

qu’on ne sait guère, même après avoir lu les beaux travaux du docteur Lucas et de M. Ribot. Mon voisin le notaire m’a prêté l’an passé un volume de M. Émile Zola ; et je vis que cet auteur se flatte d’avoir sur ce sujet des lumières spéciales. Voici, dit-il, en substance, un ascendant affecté d’une névrose ; ses descendants seront névropathiques, à moins qu’ils ne le soient pas ; il y en aura de fous et il y en aura de sensés ; un d’eux aura peut-être du génie. Il a même dressé un tableau généalogique pour rendre cette idée plus sensible. À la bonne heure ! La découverte n’est pas bien neuve et celui qui l’a faite aurait tort, sans doute, d’en être fier ; il n’en est pas moins vrai qu’elle contient sur l’hérédité à peu près tout ce que nous savons. Et voilà comment il se fait qu’Éloi, le petit gas à Jean Blin, est plein d’esprit ! Il a l’imagination qui crée. Je l’ai surpris plus d’une fois quand, n’étant pas plus haut que mon bâton, il faisait l’école buissonnière avec les polissons du village. Pendant qu’ils dénichaient des nids, j’ai vu ce petit bonhomme construire de petits moulins et faire des siphons avec des chalumeaux de paille.