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le manuscrit d’un médecin de village

trotte comme au temps de sa jeunesse, surtout quand nous prenons le chemin de l’écurie. Je n’ai pas, comme mes illustres confrères de Paris, une galerie de tableaux à montrer aux visiteurs ; mais j’ai des poiriers comme ils n’en ont pas. Mon verger est renommé à vingt lieues à la ronde et l’on vient des châteaux voisins me demander des greffes. Or, un certain lundi, il y aura demain juste un an, comme je m’occupais dans mon jardin à surveiller mes espaliers, un valet de ferme vint me prier de passer le plus tôt possible aux Alies.

» Je lui demandai si Jean Blin, le fermier des Alies, avait fait quelque chute la veille au soir en rentrant chez lui. Car, en mon pays, les entorses sévissent le dimanche et il n’est pas rare qu’on s’enfonce ce jour-là deux ou trois côtes en sortant du cabaret. Jean Blin n’est point un mauvais sujet, mais il aime à boire en compagnie et il lui est arrivé plus d’une fois d’attendre dans un fossé bourbeux l’aube du lundi.

» Le domestique de la ferme me répondit que Jean Blin n’était point malade, mais qu’Éloi, le petit gas à Jean Blin, était pris de fièvre.

» Sans plus songer à mes espaliers, j’allai