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l’étui de nacre

moi de ta famille, de ta fortune, de ta santé.

— Retiré en Sicile, où je possède des terres, je cultive et je vends mon blé. Ma fille aînée, ma très chère Pontia, devenue veuve, vit chez moi et gouverne ma maison. J’ai gardé, grâces aux dieux, la vigueur de l’esprit ; ma mémoire n’est point affaiblie. Mais la vieillesse ne vient pas sans un long cortège de douleurs et d’infirmités. Je suis cruellement travaillé de la goutte. Et tu me vois à cette heure allant chercher par les champs Phlégréens un remède à mes maux. Cette terre brûlante, d’où, la nuit, s’échappent des flammes, exhale d’acres vapeurs de soufre qui, dit-on, calment les douleurs et rendent la souplesse aux jointures des membres. Du moins les médecins l’assurent.

— Puisses-tu, Pontius, l’éprouver toi-même ! Mais, en dépit de la goutte et de ses brûlantes morsures, tu sembles à peine aussi âgé que moi, bien qu’en réalité tu sois mon aîné de dix ans. Certes, tu as conservé plus de vigueur que je n’en eus jamais, et je me réjouis de te retrouver si robuste. Pourquoi, très cher, as-tu renoncé avant l’âge aux charges publiques ?