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l’étui de nacre

« Cochon ! cochon ! Tu es un cochon ! » Il lui naissait un désir infini d’innocence et de pureté. Il pleurait ; de grosses larmes coulaient sur sa barbe de bouc. Il pleurait sur lui-même. Docile à la parole du maître qui a dit : « Pleurez sur vous et sur vos enfants, filles de Jérusalem, » il versait la rosée amère de ses yeux sur sa chair prostituée aux sept péchés et sur ses rêves obscènes, enfantés par l’ivresse. La foi de son enfance se ranimait en lui, s’épanouissait toute fraîche et toute fleurie. De ses lèvres coulaient des prières naïves. Il disait tout bas : « Mon Dieu, donnez-moi de redevenir semblable au petit enfant que j’étais. » Au moment où il faisait cette simple oraison, il se trouva sous le porche d’une église.

C’était une vieille église, jadis blanche et belle sous sa dentelle de pierre, que le temps et les hommes ont déchirée. Maintenant elle est devenue noire comme la sulamite et sa beauté ne parle plus qu’au cœur des poètes ; c’était une église « pauvrette et ancienne » comme la mère de François Villon qui, peut-être, en son temps, vint s’y agenouiller et vit sur les murailles, aujourd’hui blanchies à la