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faire entendre aux camarades, leur donnait de grands coups de poing dans le dos. Cependant les vieux levaient lentement le coude en silence. Quand ces hommes s’en furent allés à leur ouvrage, Gestas sortit le dernier du Petit More et gagna le Bon Coing, dont la grille en fers de lance lui était connue. Il y but encore en aimable compagnie et même il offrit un verre à deux gardiens de la paix méfiants et doux. Il visita ensuite un troisième cabaret dont l’antique enseigne de fer forgé représente deux petits hommes portant une énorme grappe de raisin, et là il fut servi par la belle madame Trubert, célèbre dans tout le quartier pour sa sagesse, sa force et sa jovialité. Puis, s’approchant des fortifications, il but encore chez les distillateurs où l’on voit, dans l’ombre, luire les robinets de cuivre des tonneaux et chez les débitants dont les volets verts demeurent clos entre deux caisses de lauriers. Après quoi, il rentra dans les quartiers populeux et se fit servir le vermouth et le marc en divers cafés. Huit heures sonnaient. Il marchait très droit, d’une allure égale, rigide et solennelle ; étonné quand des femmes, courant