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jusqu’à l’excès à tout ce qui touche sa politique extérieure. Le roi d’Italie, qui semblait se dégager de la Triplice et qu’on avait vu récemment à Paris avec sa jeune femme, inspirait de la sympathie, et il y avait bien peu de personnes en France, même parmi les catholiques, qui songeassent à lui reprocher d’avoir tenu en mépris la donation de Constantin le Grand au pape Sylvestre. Qu’une chancellerie étrangère s’arrogeât le droit de censurer les amitiés du peuple français, cela parut intolérable, et l’acte du Saint-Siège fut considéré comme une atteinte à la dignité nationale. Il faut croire que le Pape avait été mal inspiré, puisque sa lettre mettait mal à l’aise ses défenseurs ordinaires. En effet, les catholiques français les plus ardents appartiennent presque tous aux partis qui étalent un patriotisme ombrageux. Ils se rappelaient non sans amertume que le Pape actuel avait été élu avec l’appui de l’Autriche contre le cardinal Rampolla, candidat du parti français. Mais le pire pour l’Église, ce fut que les modérés, ceux qui se nomment les libéraux et qui, dans le pays comme à la Chambre, s’unissent constamment aux catholiques, s’en séparèrent cette fois. On compte parmi les libéraux d’anciens ministres des Affaires étrangères qui furent dans l’obligation professionnelle de reconnaître que le gouvernement ne pouvait accepter la protestation du Pape. Cette protestation parut plus déplaisante encore quand on s’assura qu’une phrase contenue dans les exemplaires envoyés aux puissances catholiques