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sion du gouvernement autrichien, avait élu pape l’archevêque de Venise, Sarto, qui prit le nom de Pie X, indiquant par là qu’il suivrait la politique du premier infaillible. Dès le commencement de son pontificat, la curie souleva en France des incidents dont les esprits s’émurent. Il faut les rappeler ici, non parce qu’ils sont importants en eux-mêmes, mais pour leurs conséquences.

Le président Loubet étant allé à Rome rendre visite au roi d’Italie, le Pape adressa aux chancelleries des puissances catholiques une protestation contre cet acte par lequel le chef du gouvernement français reconnaissait manifestement les droits du peuple italien sur la ville de Rome, offense d’autant plus sensible au Saint-Siège qu’elle venait de la fille aînée de l’Église. Hélas ! fallait-il que la Gaule chrétienne, comblée de bienfaits et de privilèges par le Pape, poussât l’ingratitude jusqu’à s’asseoir à la table du prince de Savoie, injuste détenteur du patrimoine de saint Pierre ! La curie n’avait jamais cessé de revendiquer le domaine temporel des papes et personne ne s’inquiétait d’une action diplomatique que ne soutenait ni la force des armes, ni la politique des puissances. Mais, cette fois, elle réclamait dans une forme nouvelle qui produisit en France un effet auquel Pie X et ses conseillers ne s’étaient peut-être pas attendus. L’esprit public est partout impatient et fier. Les sculpteurs représentent toujours les peuples sous l’aspect de femmes irritées ; bien des raisons ont rendu la France sensible