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innocente. Il faut considérer la simplicité de celui qui la donne et de ceux qui la reçoivent, et se garder du ridicule de découvrir dans la pensée naïve d’un bon frère les monstres d’une noire théologie. Pourtant, en y regardant de plus près, on sera surpris et attristé de reconnaître que cette pensée manque de tendresse humaine et de générosité, que l’idée du devoir s’y montre intéressée, égoïste et sèche, et qu’enfin le bien y consiste presque uniquement dans l’observation de pratiques insignifiantes et de formules absurdes. Ce n’est pas la faute du pauvre moine. Sa doctrine l’oblige à lier les âmes à son dieu incompréhensible, avant de les unir entre elles par la sympathie et la pitié.

La morale puérile des religieux a surtout le tort grave d’imprimer la peur dans l’âme des enfants et d’effrayer les jeunes esprits par des images de flammes et de tortures, par la menace de supplices atroces. Ils enseignent à leurs écoliers qu’on ne peut échapper à l’enfer éternel qu’en observant des règles de vie minutieuses et compliquées, dans lesquelles le désintéressement n’a point de place. J’ai sous les yeux un petit livre de piété, à images. On n’y voit que brasiers, fournaises, diables cornus, armés de broches et de fourches. Cela nous semble ridicule. Mais c’est odieux. Qu’il y ait quelque chose d’inhumain au principe de la morale congréganiste, c’est ce que je ferai mieux sentir par un exemple.

Je le prendrai dans une de ces congrégations autorisées, auxquelles la loi, pour des raisons budgé-