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nonce aussi des vœux, embrasse un genre de vie, obéit à une direction spirituelle qui rendent suspects ses enseignements civiques et moraux. M. Combes était donc amené par ses doctrines à proposer, dans la mesure permise par l’état des finances, la laïcisation complète de l’instruction publique.

Ministre, il restait fidèle à sa pensée du 18 mars 1902, quand il avait dit à M. Jules Huret : « Si le gouvernement exécute la loi des associations dans l’esprit qui l’a conçue, l’enseignement congréganiste aura vécu ».

Avant de reconnaître que c’est là, sans doute, tenir en suspicion la morale chrétienne, il conviendrait de se demander s’il y a vraiment une morale chrétienne et, peut-être, découvrirait-on qu’il y en a plus d’une. Le christianisme, quoi qu’il semble, a beaucoup varié dans ses dogmes ; il a varié plus encore dans sa morale. Faut-il en être surpris ? Il est vieux de dix-neuf siècles. Il aurait moins duré s’il avait moins changé. Il a traversé des peuples nombreux, des races diverses, des civilisations ou barbares ou corrompues ; il a connu trois formes successives du travail : l’esclavage, le servage, le salariat, et il s’est plié à toutes les conditions sociales dans lesquelles il a vécu. Il a nécessairement professé beaucoup de morales. Mais ce n’est pas la question. Et il suffit en ce moment de considérer ce que des religieux ignorants, des filles simples, enseignent, sur le bien et le mal, aux petits enfants des écoles. Sans doute, la morale chrétienne, ainsi définie, peut passer pour