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les moyens légaux et honnêtes, les abus progressifs de la législation… Le respect que l’on doit aux pouvoirs constitués ne saurait l’interdire. »

Ainsi le vieillard invitait les catholiques à ne plus livrer à la République d’inutiles assauts, mais à la reconnaître pour légitime et à entrer, s’il était possible, dans le gouvernement afin d’y changer les lois et de les armer en faveur de l’Église. Ces conseils impérieux jetèrent d’abord un grand trouble parmi les catholiques. Seuls les plus intelligents comprirent. Bientôt une lettre du Pape aux cardinaux français confirma l’encyclique. M. de Mun et plusieurs de ses amis donnèrent leur adhésion à la politique pontificale et se firent républicains par ordre. Il se forma à la Chambre, sous la direction de M. Piou, une droite républicaine qui adhéra à la Constitution, se réservant de combattre toute loi contraire à l’Église. Mais, beaucoup de catholiques provinciaux et royalistes, incapables de comprendre cette politique, montrèrent leur désapprobation de telle sorte que le denier de saint Pierre en fut fortement rogné. Les dames dévotes de Bretagne et d’Anjou priaient pour la conversion du Pape.

Les ministres de la République crurent ou affectèrent de croire que Léon XIII était libéral. Cette prodigieuse sottise ne fut point relevée, tant on sait peu en France ce que c’est qu’un Pape. Et les ministres purent se féliciter de leur sagesse, qui avait permis à ce pontife intelligent de se rapprocher de la République. En vérité, la République, sous la